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Patrice Vatan

Elargissement 3

par | Avr 3, 2020 | 1 commentaire

1255 Gateway Blvd, East El Paso, Texas.

Nous voyant débouler, l’homme met la main à sa poche revolver. Il n’en tire qu’un paquet froissé de Peter Stuyvesant duquel il pioche un clop qu’il allume avec un briquet marqué Southern Pacific.
Well what about you chaps ?

Nous venons de poser bagage au Motel 6 East El Paso situé à un jet de pierre de cette voie secondaire à la limite de Union Depot, la gare d’El Paso.
Avisant d’immenses convois, attirés par tout ce qui bouge avec un moteur, Pierre et moi sommes venus jeter un oeil.

Un type s’affaire à côté d’un attelage de cinq locomotives remorquant une ligne de wagons se fondant dans l’infini brumeux. On entame la discussion. Le chauffeur s’appelle Paul Wheeler. Long de 93 wagons, son convoi de minerai est tracté par cinq machines diesel de 3000 CV chacune. Il part pour New Orleans ce soir.

Un accent du sud qui mâche les mots et les expulse dans l’air brûlant en un crachat sonore. Robert Duvall dans « Jour de tonnerre ». On devine qu’il gagne « 55 000 bucks a year ».
Well.. what you brought around here in wild Texas my good men ?

Notre connaissance de la langue de Ronald Reagan étant trop scolaire pour lui avouer que nous sommes à la recherche du point exact d’où Travis émerge du désert pour apparaître dans la scène d’ouverture de « Paris, Texas » de Wim Wenders, nous synthétisons en déclarant notre flamme pour le Texas, ce qui logiquement nous y amène.
You’re damn right, boys, Texas has cold beer and hot women, appuie-t-il d’un clin d’oeil d’où toute nuance est exclue.

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La nuance, le Texas, connaît pas. Don’t mess with Texas. Up to $20 000 fine for littering, avertissent des panneaux le long des routes.

Depuis trois jours, la Ford LTD taille une voie poussiéreuse le long de la frontière mexicaine. En quête des lieux de tournage de « Paris, Texas », nous traversons des villages fantômes nommés Marathon, où Harry Dean Stanton boit un café dans le film, Alpine, Van Horn, Terlingua.

Pierre est inquiet. Il a marché pied nu sur un clou rouillé. Trouille de la gangrène. On s’arrête à Terlingua. Pas de clinique mais un poste de secours avancé sis à l’entrée de la route montant vers les Chisos Mountains.
Un homme qui ressemble à Gérard Klein délaisse le poste de radio qu’il bricolait, s’avance vers nous, les mains sales. Le toubib de garde. Il examine Pierre, badigeonne son pied avec une pâte extraite d’un pot non identifié, nous souhaite bonne chance sans nous faire payer. « There’re some rattlesnakes around here, watch your step, guys ».

Dîner ce soir au Denny’s qui jouxte le Motel 6. En sortant Pierre grille un de ces petits cigarillos que je lui vois mettre en bouche depuis ce fameux Grand Prix de Monaco 73 où je l’ai connu.

Un soleil rouge feu se couche derrière le Rio Grande qui marque la frontière avec Ciudad Juarez, la ville jumelle d’El Paso. Au coin de Lomaland Drive et de Gateway Blvd, un panneau avertit : You’re in God’s country, you don’t drive like Hell !

Un sifflet de train, ces sifflets de trains US indissociables des road movies résonne dans la nuit tombée (https://tinyurl.com/ttqweq2)
C’est Paul Wheeler qui nous fait signe. Il s’en va et avec lui un grand souvenir du Texas, The Lone Star State

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About Patrice Vatan
Je suis né à l’automobile entre les jambes de mon père. Mêlés à la poussière soufflée sur la piste de Ain Diab par le vent du large, ce sont des souvenirs quasi post-utérins qui remontent, flashes rouges émis par les Ferrari, les seules auto dont je me souvienne lors du Grand Prix du Maroc 1957, hors championnat mais nullement sans saveur. Vision au ras du sol, comme filmée par Walt Disney lorsqu’il s’adresse aux enfants. Huit ans plus tard une jambe cassée m’envoyait au lit et je dois à la couverture du Sport-Auto de juin 1965 – Jean Guichet sautant dans sa Ferrari 275 P -, que m’avait offert une voisine pour me distraire, ma première vraie émotion automobile à l’état conscient.
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