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Ayrton Senna, l’icone immolée, le nouveau livre de Lionel Froissart

par | Mar 16, 2024 | 16 commentaires

 Le livre est saisissant. Il est écrit à la première personne. Et c’est Ayrton Senna qui s’exprime. Un seul journaliste était capable d’une telle performance, Lionel Froissart. Car Senna, il l’a pratiqué dès ses débuts en karting pour le suivre au plus près tout au long de sa carrière. D’une manière presqu’intime tant il fut passionné par le personnage, il tire les fruits de cette culture aujourd’hui, trente ans après la disparition de celui qui fut le héros d’un public immense. Pour nous offrir, n’ayons pas peur des mots, un petit chef d’œuvre : L’icône Immolée.

Johnny Rives

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 S’appuyant sur des descriptions soignées d’accidents fameux – et ils sont nombreux…- ce récit est grandement axé sur les dangers de la course. En nous faisant remonter à des périodes que Senna n’a pas connues, mais dont il a appris les circonstances que Lionel Froissart nous rappelle à travers des témoignages qu’il attribue habilement au Brésilien. Circonstances terribles, nombre d’entre eux nous ramènent à Imola, sur les lieux où il devait périr lui-même. Scheckter, G. Villeneuve, Berger, Piquet, Alboreto, nous est-il rappelé, y avaient frôlé la mort avant qu’elle ne le frappe lui-même.

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 Mieux : n’est-ce pas à Imola, à la suite de sa dramatique brouille avec Didier Pironi, en 1982, qu’avaient été créées les circonstances ayant propulsé Gilles Villeneuve vers une terrible fatalité à Zolder, deux semaines plus tard ? C’est un épisode important et le nom de Gilles Villeneuve reviendra souvent dans les autres…

 Le danger, omniprésent en ces époques éloignées, est mis à jour en même temps que les tourments qu’ils entrainaient chez les pilotes. Cela jusqu’aux périodes plus récentes de Senna et Prost qui, malgré leur maîtrise, étaient eux aussi affectés par les perspectives – éventuelles mais tangibles – de l’accident fatal.

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 Un des chapitres les plus surprenants est celui consacré à « son ami Prost ». Là, Lionel fait dire à Senna que sans Alain, sans la rivalité aigüe qui les avait opposés, il n’aurait sans doute pas atteint les sommets où il s’est élevé. Démonstration est faite que, sans Prost, Senna n’aurait probablement pas été le héros qui a été mondialement célébré.

 Mais bien qu’il ait fini par se dire « ami » avec Alain, Lionel ne cache pas non plus l’inverse : l’inimitié les ayant opposés au plus fort de leur rivalité. Mais une inimitié de circonstance sans commune mesure avec celle – affirmée et réaffirmée – qu’Ayrton Senna ressentit à l’endroit de son compatriote Nelson Piquet. Lequel avait manifesté instantanément pour Senna une détestation teintée de jalousie et dont il ne se départit jamais. Jusqu’après sa disparition. Ce qui lui vaut, malgré le recul du temps, d’en prendre pour son grade au détour de quelques phrases…

 L’antagonisme entre Prost et Senna était d’une ambiguïté absolue, puisque d’un même mouvement ils finirent par se réunir au sommet du même podium à l’issue de leur ultime confrontation au G.P. d’Australie 1993. Explication : « Notre rivalité faisait de l’ombre au respect mutuel qui nous habitait. » C’est Lionel qui l’a écrit, mais c’est Senna qui nous le dit.

 Ses dernières courses, Senna les effectua au sein de l’écurie où Prost avait conquis son dernier titre de champion du monde, Williams. Une écurie dans laquelle ils ressentirent le même inconfort. Frank Williams n’y était pas étranger, lui qui affirmait que « les pilotes sont des employés comme les autres…mais mieux payés. »

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 Lionel Froissart atteint le paroxysme de l’émotion vers la fin de son récit en décrivant la journée du 1er mai 1994 telle que l’a probablement vécue Ayrton Senna, en la reconstituant minute par minute jusqu’à l’instant fatal. Du grand art.

 Dans le dernier chapitre, Lionel offre sa plume à Senna pour raconter son dernier voyage. Celui qui le ramena d’Europe à Sao Paulo, pour s’achever au cimetière de Morumbi. Le récit en est bouleversant. Comment ne pas imaginer qu’en l’écrivant Lionel n’a pu lui-même retenir ses propres larmes.

Johnny RIVES.

« L’Icône Immolée », de Lionel Froissart, édition En Exergue, 18,90 euros.

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About Johnny Rives
« Lorsque j’ai été appelé sous les drapeaux, à 21 ans, j’avais déjà une petite expérience journalistique. Un an et demi plus tôt j’avais commencé à signer mes premiers « papiers » dans le quotidien varois « République », à Toulon. J’ai envoyé le dernier d’entre eux (paru le 4 janvier 1958) à Pierre About, rédacteur en chef à L’Equipe. Il m’a fait la grâce de me répondre après quoi nous avons correspondu tout au long de mes 28 mois d’armée. Quand je revins d’Algérie, très marqué psychologiquement, il voulut me rencontrer et me fixa rendez-vous au G.P. deMonaco 1960. Là il me demanda de prendre quelques notes sur la course pendant qu’il parlait au micro de Radio Monte-Carlo. J’ignorais que c’était mon examen d’entrée. Mais ce fut le cas et je fus reçu ! Je suis resté à L’Equipe pendant près de 38 ans. J’ai patienté jusqu’en 1978 avant de devenir envoyé spécial sur TOUS les Grands prix – mon premier avait été le G.P. de France 1964 (me semble-t-il bien). J’ai commencé à en suivre beaucoup à partir de 1972. Et tous, donc, dès aout 1978. Jusqu’à décembre 1996, quand les plus jeunes autour de moi m’ont fait comprendre qu’ils avaient hâte de prendre ma place. C’est la vie ! Je ne regrette rien, évidemment. J’ai eu des relations privilégiées avec des tas de gens fascinants. Essentiellement des pilotes. J’ai été extrêmement proche avec beaucoup d’entre eux, pour ne pas dire intime. J’ai même pu goûter au pilotage, qui était mon rêve d’enfance, ce qui m’a permis de m’assurer que j’étais plus à mon aise devant le clavier d’une machine à écrire qu’au volant d’une voiture de compétition ! Je suis conscient d’avoir eu une vie privilégiée, comme peu ont la chance d’en connaître. Ma chance ne m’a pas quitté, maintenant que je suis d’un âge avancé, puisque j’ai toujours le bonheur d’écrire sur ce qui fut ma passion professionnelle. Merci, entre autres, à Classic Courses. »
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